Le règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 qui énonce les règles pour déterminer le tribunal compétent dans des litiges civils et commerciaux transfrontaliers, permet à un consommateur d’assigner son vendeur ou son prestataire de services dans l’Etat de son domicile dès lors que ce vendeur ou ce prestataire de services exerce ses activités dans l’Etat du domicile du consommateur ou « par tout moyen, dirige ses activités vers cet État. »
Dès lors qu’un vendeur ou un prestataire de services offre ses produits ou ses services par internet, se pose la question si un consommateur peut se prévaloir de ce privilège de compétence et donc en cas de difficultés assigner son vendeur ou prestataire de services dans son pays quel que soit le pays où réside ce vendeur ou prestataire de services dans l’Union Européenne. Peut-on en effet considérer que le simple fait d’offrir des produits ou services par internet suffit à justifier que le vendeur ou le prestataire de services dirige ces activités de fait dans tous les pays où des consommateurs peut commander des produits ou des services ?
Non, vient de répondre la Cour de Justice de l’Union Europénne (CJUE, 07/12/2010, affaires jointes C-585/08 et C-144/09, Peter Pammer / Reederei Karl Schlüter GmbH & Co. KG et Hotel Alpenhof GesmbH / Oliver Heller).
Pour considérer qu’un vendeur ou prestataire de services offrant ses produits ou services internet, dirige ses activités vers le pays du consommateur avec lequel il contracte, il faut que ce vendeur ou prestataire de sevices ait manifesté sa volonté d’établir des relations commerciales avec des consommateurs d’autres états membres. Cette volonté peut être déduite de différents indices, évidents comme le fait d’offrir services ou ses biens dans plusieurs États membres nommément désignés, ou d’un faisceau d’indices qui unitairement seraient moins patents mais qui ensemble révèlent cette volonté (nature internationale de l’activité en cause, telle que certaines activités touristiques, mention de coordonnées téléphoniques avec l’indication du préfixe international, utilisation d’un nom de domaine de premier niveau autre que celui de l’État membre où le commerçant est établi).
Cette jurisprudence est importante car elle protège les vendeurs et les prestataires de services locaux qui offrent leurs produits par internet et peuvent toucher des clients en dehors de leurs frontières, qui du fait de la maîtrise de la langue de leurs vendeurs ou prestataires de services, sont en mesure de commander des produits à ces vendeurs ou prestataires de services par internet. Tel est le cas par exemple d’un skieur allemand qui commande un séjour sur le site internet d’un hôtelier autrichien. Pourquoi en effet vouloir protéger dans ce cas le consommateur alors que le vendeur ou le prestataire de services n’entendait pas forcément attirer une clientèle étrangère ou du moins s’est clairement positionné comme un acteur du marché local ?
Cette jurisprudence est aussi importante car elle protège aussi ce que l’on appelle les global players et qui font en sorte de créer des sites dédiés à telle ou telle clientèle géographique comme par exemple ltur.fr dédié à la clientèle française. Elle évite par exemple qu’un client français qui parle allemand et qui souhaite bénéficier d’une offre a priori meilleur marché sur le site allemand puisse revendiquer un quelconque privilège de compétence s’il n’est pas satisfait des prestations. Il aura pris dans ce cas un risque en commandant sur le site allemand et devra assumer ce risque.
Enfin, et c’est peut-être l’effet le plus important de cette jurisprudence, elle vaudra aussi pour le droit applicable car le règlement européen n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles prévoit les mêmes dispositions que le règlement n° 44/2001 (Art. 6).
Notre skieur allemand qui aura commandé son séjour sur le site autrichien d’un hôtelier devra assigner celui-ci en Autriche et se soumettre au droit autrichien.